La famille Mayne est réputée pour ses nombreux hôtels dispersés dans la cité. Mais ce qui la caractérise, c’est qu’elle dirige depuis toujours le seul hôpital psychiatrique de Rheyjall. Moi, je suis un animal. Fils d'une vipère et d'un boa. J'ai passé toute mon enfance à dormir sur une couchette, dans un noir complet, au détour des sombres escaliers qui auront animé mon existence. Je ne sais pas pourquoi je suis né. Mes parents me le répétaient trop souvent, pourquoi m'ont-ils donné la vie ? Ils savait aussi me faire comprendre qu'ils avait le droit de la reprendre, ma vie. Mon existence appartenait à ma mère. Il faut obéir à ses père et mère, c'est là la règle fondamentale lorsqu'on est enfant. Pour moi, il y avait des conséquences si je désobéissais. Étrangement, il y en avait aussi lorsque j'étais sage. J'ai subi des violences maternelles durant ma faible existence. Ne cesserais-je donc jamais d'être un mauvais garçon ? Il ne faut pas gâter les enfants. Ils étaient riches, et il fallait absolument se conduire comme tel. Ne pas mettre ses coudes sur la table. Ne pas redemander, ne pas trop avancer sa chaise. Il ne faut pas réclamer, il faut attendre que l'on propose. Et vers dix-sept heures, je recevais les coups de fouet quotidiens. Ce temps-là est révolu, disaient les voisins à mes parents. Quel temps ? Je ne savais pas de quoi ils parlaient, et j'entendais ma mère leur répondre « C'est pour son bien. » de manière sèche. Ils devaient se mêler de leurs affaires, je n'étais pas leur fils, j'étais celui de Mr et Mme Mayne. Je criais beaucoup, mais je ne me plaignais jamais. Et si je rapportais ? Ma mère aurait des ennuis. Mais elle faisait ça pour mon bien, alors je ne pouvais que la remercier. Pourquoi m'aurait-elle menti, sinon ?
Mon père était le grand patron de plusieurs hôtels luxueux. Il n'avait pas beaucoup de temps à me consacrer. Lorsque ma mère me battait, il approuvait d'un grave hochement de tête. « Quel mauvais garnement, celui-là. » - « Il mange notre pain et se permet de protester ! » répondait ma mère. Souvent ils me montraient à quel point ils se sacrifiaient lorsqu'ils achetaient un vêtement, lorsqu'ils me donnaient de la viande à manger. Et moi, je les croyais. Je n'allais pas à l'école, mais l'école venait à moi. Mon professeur était méprisant, distant. Il me donnait des exercices, puis il allait discuter de mon éducation avec ma mère tandis que je réfléchissais au calcul des x et des y. Je n'avais pas d'amis. J'avais le droit de sortir, mais je n'avais pas le droit de m'en faire. J'ai essayé, bien sûr. Lorsque ma mère m'interdisait quelque chose, cela attirait ma curiosité, et je voulais absolument l'essayer ! « Si tu cours, tu vas tomber et te casser la tête. » disait-elle. J'ai couru, plusieurs fois, je suis tombé, et je n'ai jamais eu que des écorchures. Mais lorsque ma mère me poussait dans les escaliers, là, j'avais peur de me casser la tête. « Si tu fais connaissance avec des gens, ils vont te détester et te rejeter. » affirmait-elle encore. Pourtant, lorsque je sortais avec mes parents, pour ce qu'ils appellent une 'réunion' de gens bien élevés, c'était avec fierté que ma mère s'exclamait en entrant dans la salle « C'est mon fils ! ».
À l'adolescence, j'ai beaucoup grandi. Je sortais plus, et je sortais pour me bagarrer. C'était un jeu, pour moi, que de sauter sur des gens que ma mère appelait des pauvres. Car les garçons de ma 'catégorie sociale' ne savaient pas se battre. Et si nous nous disputions, si je le touchais, ma mère me battait plus fort au soir. Tandis qu'avec les pauvres, je pouvais me battre. Ils riaient, nous étions rempli de boue, nous nous faisions des hématomes, des bleus aussi gros que la paume de ma main. Nous nous pochions les yeux, nous nous coupions le souffles, tirions les cheveux et rions aux éclats. Si le danger c'est d'être heureux, alors je voulais devenir pauvre, moi aussi. Parfois je voyais une mère venir chercher son fils. Elle le grondait, l'observait, lui pansait ses blessures, l'embrassait sur le front. Ais-je déjà été embrassé, moi ? Par une voisine, je m'en souviens. Mais pas par mes parents. Ce garçon était donc trop gâté, et cette mère était une mauvaise mère. La mienne savait m'éduquer, au moins.
Ma famille est composée de deux branches. Il y a mes parents, puis il y a mon oncle et ma tante. Les deux possèdent un patrimoine différent, et un fils unique. Je devrais hériter de l’asile psychiatrique ainsi que d’un hôtel, que mon père dirigeait, tandis que mon cousin, Drake, héritera des hôtels de son père. Mon cousin et moi nous entendions bien, à l’époque. Nous nous voyons quasiment tous les jours. En primaire, nous recevions les cours ensemble chez nous. Il y a beaucoup de points sur lesquels mon cousin était plus mature sur moi. Notamment sur les problèmes psychologiques qui nous atteindrons tous les deux à partir de notre adolescence. Il savait que mes parents me battaient, et ne vivait pas très tendrement de son côté non plus. Nous étions comme des solidaires muets de notre étrange éducation. Mais cette complicité que nous avons faite évoluer au cours des années, a fini par s’éteindre lorsque nos caractères se sont différenciés, et que nos troubles se sont réveillés.
Mon père voulait que je sois bachelier. Je m'y pliais, je m'en fichais. Je savais qu'il me donnerait son entreprise, si toutefois il me jugeait digne de la prendre. Ma mère relâchait parfois la pression, elle avait un groupe d'amies avec qui elle passait beaucoup de temps, elle avait des choses à faire. Il y avait des jours où elle ne me fouettait pas. Je ne comprenais pas, était-ce une nouvelle forme de punition ? J'attendais les coups, j'attendais dans l'espoir que si elle me les donne, elle soit satisfaite. J'étais à sa disposition, et je craignais que si elle oublie aujourd'hui, ce soit pire demain. Mais mon père s'en chargeait, maintenant. « Ton père est fatigué par le travail », disait ma mère. Alors il avait besoin de ma peau pour se défouler. J'étais sa propriété, il avait tous les droits sur moi. Mais mon père faisait plus mal que ma mère. Parfois, il criait en même temps, et j'avais peur. Il disait vouloir me casser, il disait que je lui coûtais trop, que ce soit pour manger, pour étudier.
L'année du baccalauréat arriva, et je l’obtins. Mon père m'avait promis que si j'étais premier, j'aurais de l'argent. Mais je suis arrivé troisième. Je grandissais encore, j'allais sur mes dix-huit ans. Je voulais devenir un homme, et je voulais partir. Je ne voulais plus être battu, et je me bagarrais toujours. Je découvrais des changements en moi que j'avais parfois vu chez mon père et ma mère. Je m'étais déjà transformé dès l'âge de sept ans et demi, mais on m'apprit à ne plus le faire sans m'en expliquer la raison. Je découvrais ce qu'était réellement un vampire, et ce pourquoi je n'étais jamais allé au-delà du quartier nord de la ville, seul. C'était bien trop exagéré, des enfants comme moi y étaient allé, et se portaient très bien. Une fois j'avais essayé, mais mon père avait fait appel aux gendarmes. Et le soir, je fus battu si violemment que mon bras s'était cassé. Mais là, j'étais bachelier. Je ne savais pas ce que je voulais faire, je savais que j'allais dans la suite de mon père, c'est tout. Je n'avais pas le choix. Je découvrais des jeunes qui jouaient encore plutôt que d'aller dans le monde du travail. Je les enviais, mais je me disais qu'ils avaient eu de mauvais parents.
Je suis rentré chez moi, un jour, et j'avais dépassé le couvre-feu fixé à huit heures. Mon père était furieux, je ne savais pas pourquoi. Il criait qu'il voulait me casser les jambes. Mais moi je ne voulais pas. J'ai eu peur, puis je me suis dressé. J'avais grandi, en si peu d'année, et j'utilisais mon gabarit contre mon père. Il s'arrêta, il avait compris que j'offrais cette fois non pas mon corps, mais ma résistance. J'allais le regretter, mais pas maintenant. Il a fait demi-tour, puis il est parti. Ma mère m'a lancé un regard sombre, mais n'a pas insisté. La tension a monté dans la maison. Mes parents se disputaient beaucoup. Je devenais distant à leurs paroles. À chaque fois que l'un d'eux levait la main sur moi, je m'y opposais. J'avais pris ma décision, je voulais être un homme. Merci ma mère pour cette éducation, merci mon père pour cet avenir, mais j'avais compris que je pouvais être autre chose. Je ne les écoutais plus, je les évitais comme je le pouvais.
Dix-huit ans arriva rapidement. J’eus droit à mon premier cadeau, depuis que je suis né, de la part de mes parents. C'était un échange. Ils me donnaient des clés, je leur donnais les miennes. Et je suis parti de la maison, avec pour interdiction d'y remettre les pieds. J'ai laissé ce grand domaine à ceux que j'ose encore appeler mes parents, et j'ai trouvé le manoir qu'ils m'ont offert. Ils n'avaient pas le droit de me laisser partir sans rien. J'ai étudié le droit, la médecine et la psychologie. Plus tard, ma mère a été internée à l’asile. Mon père a donc décidé de se retirer, et c’est le fils Tyler qui reprit les reines de l’asile, ainsi que cet hôtel luxueux à Alavan.

Je dirige l'asile Mayne ainsi qu'un hôtel. J'avais de l'argent sur mon compte, mis par mes parents lorsque j'étais enfant. Je pouvais vivre avec. J'ai pris connaissance de la guerre entre lycans et vampires, à dix-neuf ans. Je me suis renseigné sur l'état des choses, puis j'ai intégré officiellement mon camp à vingt ans. Je devais faire quelque chose de ma vie, quelque chose que je ne regretterais pas, et qui me feront oublier ce que je suis. Mon caractère a fait rapidement le tour, et j'ai eu ma première tâche à dix-huit ans. C'était délicat, mais bien payé. Je savais que je n'aurais aucun mal, et je savais que je ne ressentirais rien. J'ai commis mon premier meurtre. J'ai obéi aux ordres, et même si je ne le fais pas pour aider les miens, je le fais par pur égoïsme envers mon égo et mon enfance. Je suis un homme, maintenant. Je n'ai pas découvert l'affection et le sentiment, mais est-ce là des traits fondamentaux pour compléter un homme ? Ma vie n'a aucun sens, je le sais. J'ignore où commencer, j'ignore où finir. Tout ce que je sais faire, c'est attendre...