Flash Back – 4 Months Ago – Rencontre entre Alvin & Alicia

Le lendemain de la prise de pouvoir par Ambrose • la veille de ma nouvelle affectation • quelques heures seulement après la mort des anciens • et dans quelques minutes, le corps de ma mère aura enfin refroidi.


Le manoir etait calme, silencieux, seul le vent qui s’engouffrait des grandes baies vitrées ouvertes en plein, sifflait dans les corridors. Soudain un fracas, puis deux. Une porte claqua, quelqu’un s’anima dans les étages alors que sa respiration se saccade. Les grognements de cette créature s’intensifiaient crescendo, sans pour autant traduire la colère, mais plutôt l’euphorie, une sorte d’extase mêlée de peur et de haine.

- AAAAAaaaaah !

Un bougeoir traversa le bureau ou flottait encore le parfum poudré d’Amanda, alors qu’une femme vêtue de domestique le quittait en courant, comme pour échapper à l’impact. Bien sur, la femme n’était pas visée, c’etait toute la pièce elle même qui etait amenée à être détruite. Et son bourreau n’était autre que la nouvelle propriétaire des lieux : moi.

J’écartais sauvagement les longs rideaux dégoulinant autour de la fenêtre avant d’ouvrir les carreaux et laisser entrer une bourrasque qui balaya mes cheveux en arrière. Une bouffée d’air frais que cette re-décoration d’intérieur, voilà ce que je ressenti à cet instant.

- Madame ! Madame pouvons-nous entrer ? répètaient des voix timides depuis le couloir, derrière la grande porte massive qui les séparaient du chaos du bureau.

Ignorant les appels inquiets et interrogateurs, je me retournais lentement et saisissais un pic en laiton pendu sur la cheminée. Caressant l’objet comme pour le nettoyer avant de l’utiliser, je lançais à mes interlocuteurs, avec un sourire illuminant mon visage:

- Pas tout de suite Oz

J’arpentais la pièce avec dégoût et ou que mes yeux se posent, je ne voyais qu’une raison supplémentaire de vouloir tout détruire

- je vous conseille …. de rester dehors !

Au moment où je lâchais mes derniers mots amusés à ceux qui, depuis des années, avaient servi mes parents, j’élevais au-dessus de ma tête l’arme de fortune et la brandissant si et là, la laissais s’abattre partout dans la pièce, détruisant statues, vitrines et mobiliers.

Mon agilité s’accroissait de plus belle et ma transformation donna les derniers coups de grâce à l’endroit déjà ravagé.

S’en suivi le massacre du souvenir de son règne à elle.

Je sorti finalement de ce qui ne serait plus jamais un bureau, et verrouilla la porte devant les yeux hébétés du personnel.

- Madame ?

- Ne nettoyez pas, il faut que ça reste comme ça.

Souriante, mais toujours d’apparence bestiale, je jettais la clé au fond de ma poche avant de les remercier du travail accompli jusqu’ici. Certains furent renvoyés, d’autres insistèrent pour rester, encore attachés au manoir et, cela va sans dire, à la petite peste que j'étais.

Je rejoignis finalement le jardin impeccable, encore essoufflée des 25 dernières minutes que je venais de passer à m’égosiller dans mon acharnement. Il était à présent temps de se calmer. Je ne pouvais pas me laisser aller ainsi devant les domestiques, mais cette fois-ci, ca en vallait la peine. Ma jouissance était palpable mais elle retomba rapidement avec l’arrivée de questions plus concrètes.

Incapable de prédire la suite des événements, j'étais à la fois soulagée d’en avoir fini avec Amanda, mais anxieuse quand à mon avenir au Pouvoir. Ce Ambrose, qui sortait de nulle part et me volait tant d’années de passage de pommade sur les nobles et courbettes à répétitions pour m’attirer leurs confiance. Le voilà qui signait un passage à l’acte que j’avais trop longtemps repoussé et qui maintenant m’était dérobé sous le nez !

Je trouvais un banc en marbre blanc près du lac et m’y laissais tomber de tout mon corps. Si j’avais été capable de sensiblerie, j’aurai certainement pleuré. Mes cheveux, habituellement attachés en un chignon strict, coulaient du banc jusqu’au tapis d’herbe qui recouvrait la cour nord du Manoir.

Débraillée et ébouriffée, voici une image de moi qui ne ressortirait jamais de ce jardin ! Mais que je pouvais à cet instant revêtir quand bon me semblait, puisque j'étais maintenant… chez moi !

Alors que je reprenais un rythme cardiaque plus ou moins régulier, mes sens furent à nouveaux éveillés par un boucan maladroit dans les feuillages d'un arbuste juste en face de moi. Mais mon attention retomba très vite, m'imaginant que les bois devaient grouiller de bestioles en tout genre dont mes parents se servaient pour leur parties de chasse nocturnes.

- Arf, j'ai perdu l'habitude de la vie sauvage ... je sent que l'appartement va me manquer ...

Nonchalante, je laissais la fainéantise l'emporter et restais allongée, fixant simplement l'endroit d'ou proviennent les bruits.

« Je suis un prince. » se disait le petit. « Je suis le prince des chevaliers, et je deviendrais un super héros lorsque je serais grand. » Depuis tout petit déjà il nourrissait cette ambition. Il tentait de grimper en haut d’un chêne pour se sentir supérieur à la ville entière. Il se plaisait à baver devant les costumes flamboyants qu’il pouvait apercevoir dans les magazines. Il réclamait ces folies à un frère qui lui refusait, et un père adoptif qui hésitait. En ce temps, Alan Lowan menait ses troupes vers la victoire. Du moins, c’est ce que tous les rebelles pensaient. Le mot liberté gravé sur leurs fronts commençait sérieusement à inquiéter ces pourritures glacées. Alvin était l’exemple parfait de la génération future. Loup inné, orphelin et enfant, il ne jurait que par les rebelles. Ils étaient tous ses modèles, et Jake en particulier. Il était alors difficile pour toutes ces familles d’imaginer qu’en l’espace de quatre mois, ils perdront bien plus qu’ils n’ont jamais perdus. Le petit perdra son père adoptif, en l’occurrence. Le garçon s’était forgé une nouvelle lubie ces derniers jours. Il voulait se montrer aussi présent et efficace que tous ces demi-grands dans les catacombes. Son frère et ceux de son âge. Alvin voulait jouer à la guerre lui aussi ! Si l’on voulait être un super héros, il fallait commencer jeune. C’est la raison pour laquelle il était parti renifler sous sa forme de chiot du côté du maudit quartier nord pour tenter de trouver une bonne maison où s’installer pour en espionner les occupants. Pour lui, nul doute que tous les habitants de ce quartier étaient des vampires et, qui plus est, des ennemis. Il était également persuadé que personne ne pourra jamais le reconnaître tant qu’il se montre sous la forme de ce jeune husky aux yeux vairons. Malgré cette confiance bien trop aveugle en lui-même, il évitait soigneusement ceux qu’il soupçonnait à tort d’être des vampires. Aussi courageux soit-il, il n’en restait pas moins inquiet à l’idée de se faire dévorer. C’était là, la pire mort qu’un lycan pouvait subir. Les autres le disaient, il n’y avait rien de plus atroce pour un loup que de subir les crocs d’un vampire dans sa chair et de sentir son sang s’écouler en lui. À force de se faufiler dans tous les trous possibles et inimaginables, il finit par dénicher un sentier mal entretenu dans cet espace si chic. Il le suivit et dut même creuser un trou pour passer en dessous de plusieurs barbelés. Il avait de mauvais souvenirs avec ça, s’étant déjà fait prendre dedans parfois dans le passé. C’est pourquoi il faisait très attention maintenant lorsqu’il en voyait. Il en était de même avec les cordes électrifiées, mais cela ne l’empêcher pas d’en effleurer une avec ses poils et de se prendre de quoi hérisser tout son pelage jusqu’au museau ! Il couina et s’éloigna en secouant ses pattes arrière dans le vide pour chasser la douleur et la désagréable sensation qui parcouraient son corps. En gambadant sur ses petits coussinets, son regard vif fit face au feulement d’un chat non loin de lui. S’engagea alors une course poursuite entre le félin et le canin. Alvin ne parvint non seulement pas à l’attraper, mais en plus il se perdit. Il erra quelques minutes avant de se glisser avec peine entre deux haies, de reprendre forme humaine puis de grimper par-dessus un muret pour atterrir dans le jardin d’une propriété. Il regagna son apparence canine et partit à la découverte de cette demeure. Il s’agissait d’un manoir gigantesque, comme il n’en avait jamais vu. Lui qui avait l’habitude de vivre dans des espaces confinés, la vue de cette immensité lui donna le vertige. Peu rassuré, il continua en trottinant. La nuit allait probablement tomber et l’enfant ne souhaitait pas se retrouver seul dans l’obscurité. Il n’avait pas prévu de se perdre et espérer sincèrement trouver soit un abri sûr, soit un endroit où sortir. Alors il débarqua sans le vouloir face à la blondasse.

Il ne la connaissait pas, mais son visage lui était drôlement familier. Stoppé net comme s’il venait d’être pris en flagrant délit d’une grosse bêtise, ici c’était une effraction, son regard croisa celui d’Alicia. Il se souvint alors de l’avoir vu dans les dossiers des catacombes, lorsqu’il s’amusait à fouiner pour embêter les grands. Il ne se souvenait plus de son prénom, mais il s’agissait de la fille de la cheftaine ! Alvin en était persuadé. Mais aucun rebelle ne savait qu’Amanda n’était plus de ce monde à ce moment. Personne ne pouvait savoir qu’un autre vampire avait pris les reines et allait leur en faire baver comme il faut, bientôt. Le chiot pencha la tête sur le côté d’un air mi intrigué, mi inquiet. Il avait peur bien sûr, mais il se disait que s’il réussissait à rester souvent avec cette fille, il pourra toujours rendre son grand frère fier de lui. Et puis une fille c’est mieux qu’un garçon, ça fait moins mal et c’est plus doux. Du moins, c’est ce qu’il pensait. L’animal risqua le tout pour le tout en s’approchant timidement d’Alicia. Il n’était pas prêt de se transformer devant elle, étant assez conscient de ce qu’il faisait pour ne pas tenter le suicide. Il ignorait encore qu’il allait s’attacher à elle, et qu’il s’amusera durant des mois à se faire passer pour un gentil toutou possessif et parfois un peu emmerdant. Après l’avoir examiné de haut en bas, il la renifla de loin. Il était encore un peu craintif. Il fut ramené sur terre par quelques gouttes de pluie qui commençaient à tomber. Le noir plus la pluie, il espérait sincèrement ne pas passer la nuit dehors ! Alors l’enfant fit demi-tour et se dirigea vers ce grand manoir dans l’espoir d’y rentrer et de s’y abriter. Il n’avait aucune gêne mais qui pourrait refuser le logis à un adorable chiot qui ne veut pas se faire tremper ?

Ici comme en centre ville, la tranquillité était un luxe que même les plus nobles ne pouvaient s’offrir à Rheyjall !
J’étais allongée depuis à peine 5 minutes quand cette petite boule irsute fit surface à quelques mètres de moi.

De grands yeux ronds, pour un si petit animal. Un regard qui pendant un temps ne lâcha pas le mien. Tout de suite, avec mon arrogance habituelle, je pensais effrayer la chose, mais il n’en était rien. Sans donner l’impression d’être affecté par ma présence, l’animal me tourna carrément le dos quand quelques gouttes de pluie vinrent tremper son pelage.

Etait-ce ma fierté ou son insolence qui me fit me relever subitement, les jambes remontées sur le banc, à quatre patte comme un animal. Une position en somme peu glamour mais pratique quand on veut observer et bondir sur un inconnu. Cependant mon inconnu à moi n’avait pas l’air de prêter attention à ma présence, et semblait plutôt désirer une visite guidée des lieux.

J’étais complètement obnubilé par ce petit être qui trottinait sur ma pelouse, dans ma propriété, foulait mon herbe, et me tournait les talons !

D’accord, j’admettais volontiers qu’Amanda avait d’étrange façon d’occuper ses soirées mondaines, mais de là à faire un élevage de mini loup pour mieux les traquer dans la propriété, c’était presque trop, même pour moi.
Or de question que des ennemis miniatures polluent mon jardin, toi mon petit, tu n’irais pas rejoindre ta meute ce soir . . .

Voilà ce que j’avais pensé à cet instant, m’imaginant déjà prendre en chasse le chiot dans le domaine et en faire mon repas. J’étais alors loin d’imaginer que quelques jours plus tard, j’allais l’autoriser à entrer dans ma propre chambre !

Bref, à l’instant ou je descendais du banc pour me rapprocher du courageux cabot, j’éprouvais déjà de la faim, même si je n’y avais goûté, Tyler m’avait fait subtilement comprendre un jour que le sang de nos ennemis était. . . Agréable. Bien sûr, celui-là était un modèle plus que réduit, mais soit ! Il y a une première fois à tout.

J’accélérais le pas et ne ciblais que lui, sans me douter quand dans quelques seconds, quelque chose en lui allait me faire radicalement changer d’avis. J’accélérais le pas et ne ciblais que lui. La pluie effleurait à peine mon visage et mes pieds faisaient reculer la terre sous le poids de l’impulsion. Pieds nus, mes sandales abandonnées sous le banc, je glissais presque en arrivant à sa hauteur, et ratais mon effet de surprise.